Cap vers l’électronique nautique

François Chevalier
Innovation
First 35S5
Si l’électronique est déjà très présente autour de la table à carte du navigateur en 1980, les dix années qui suivent vont être une révolution pour la navigation de plaisance.

État des lieux en 1980 des appareils de mesures

Parmi les instruments de navigation, on distingue les appareils de mesures – direction et vitesse du vent, vitesse du navire, distance parcourue, et profondeur – ceux qui permettent de se positionner et ceux de communiquer.

En 1980, l’époque du loch à la traîne et les tables de calcul astronomique est révolue.
Le plaisancier dispose de moyens assez raffinés. Les constructeurs ou importateurs proposent des ensembles électroniques de girouette-anémomètre-loch-speedomètre- sondeur, avec répétiteur sur le pont.

Pour l’anémomètre, le capteur est constitué de trois coupelles qui entraînent une génératrice ou un compteur d’impulsions. Les informations sont filtrées, en particulier pour éliminer les mouvements du bateau, puis elles sont affichées sur un indicateur et, éventuellement sur le répétiteur. L’affichage varie suivant les fournisseurs, il peut être digital, en cristaux liquides, ou analogique, et peut être couplé avec la girouette qui s’affiche en chiffre ou sur un cadran circulaire. Pour une lecture plus claire, certains fabricants prévoient deux cadrans pour plus de précisions, un pour le près, l’autre pour le portant.

Pour mesurer la vitesse du bateau, plusieurs systèmes sont proposés. Une hélice ou une turbine fait tourner une génératrice ou crée des impulsions. Il existe également un autre moyen, sans rotation, mais par un palpeur qui s’incline plus ou moins, en fonction de la pression de l’eau. Après amplification, la tension du courant ou le nombre d’impulsions sont rapportée à une unité de temps. La vitesse du bateau est ensuite retranscrite par un galvanomètre ou affichée par des diodes ou des cristaux liquides.

Un autre procédé utilise un capteur électromagnétique. Le capteur génère, sous le bateau, un champ magnétique alterné et mesure le champ électrique qui en résulte généré par la vitesse du bateau. Le boîtier de contrôle convertit le signal du capteur et envoie les données vers l’afficheur.Enfin un nouveau dispositif consiste à utiliser l’effet Doppler basé sur la mesure d’un décalage de fréquence entre l’émission et la réception d’ultrasons en mouvement.

Le sondeur est souvent le premier appareil électronique qui équipe un bateau. Il permet de naviguer en surveillant une troisième dimension, la profondeur. Son principe est simple, un émetteur-récepteur émet ses ultrasons dans l’eau. Le signal, qui se propage à 1500 mètres /seconde, est envoyé au fond de l’eau, et revient vers le récepteur. Il suffit de mesurer le temps de l’aller et retour pour en déduire la profondeur. Le transducteur, placé au fond de la coque, est une capsule piézo-électrique reliée à l’émetteur-récepteur. En général, l’horloge de mesure est un moteur électrique qui entraîne un bras portant une ampoule néon ou une diode. Sur de nombreux modèles, une alarme permet de prévenir un passage de ligne de fond ou les limites d’un chenal.

Certains appareils sont équipés d’un microprocesseur ou d’un filtre qui corrige ou élimine les échos parasites. Entre trois et cinq fois plus cher, les sondeurs-enregistreurs impriment sur papier des profondeurs jusqu’à 1200 mètres. Au Salon de la Navigation de Plaisance de 1980, la société Grimaud Marine présentait le premier système de mesures géré par un ordinateur, l’Hercules 190, du fabricant américain Brookes & Gatehouse. Outre la girouette en tête de mât en fibre de carbone qui pèse 150 grammes, les capteurs sont reliés à un ordinateur qui calcule les performances aux différentes allures. Des canaux sont prévus pour que l’ensemble soit combiné au compas et à un pilote automatique. Il peut également surveiller les batteries, la pression d’huile du moteur, ou indiquer le meilleur rendement en tours/minute.

Le positionnement

La façon la plus simple de se positionner en voilier est de suivre son estime sur sa carte, en fonction de son cap, sa vitesse et sa dérive. Pour vérifier sa position à la fin d’une traversée, ou dans le brouillard, un relevé radiogoniométrique permet de corriger son point. En orientant l’antenne, située sur l’appareil, vers au moins deux émetteurs à terre, un radiophare ou une radiobalise, on relève les directions qui sont reportées sur la carte, précisant le point d’intersection où l’on se trouve.

En 1980, les appareils radio-gonio sont déjà de types automatiques. Ils font appel largement à des microprocesseurs qui gardent en mémoire les fréquences des émetteurs, les données et effectuent les calculs. Ils intègrent un compas et pour certains, possèdent la réception des G. O., des P. O. et même la bande marine B. L. U.
Le système Loran (Long Range Navigation) utilise des signaux cadencés, un train de huit ou neuf impulsions d’une dizaine de périodes, émis par au moins trois stations. Le récepteur mesure le temps d’arrivée de chaque signal et en déduit la position du voilier.

Chaque chaîne d’émetteurs, qui possède sa propre période, comporte au moins trois stations, une principale et deux secondaires. L’avantage du système est que les ondes se réfléchissent sur la couche ionosphérique, ce qui permet une très longue portée.

Sur nos côtes, le Loran est surtout utilisé en Méditerranée. Il y a quelques soixante-sept stations dans l’hémisphère nord, les antennes les plus hautes atteignent 411,48 mètres. En France, il y avait deux stations, à Soustons dans les Landes, à partir de1985, et à Lessay dans le Cotentin, avec des pylônes d’une hauteur de 213 mètres.

Au Boat Show de Londres en 1980, la firme anglaise Thomas Walker, bien connu pour son loch à hélice en bronze recherché par les antiquaires de marine, présentait le Sat-Nav 810, premier navigateur par satellite accessible. Il utilise les signaux de six satellites Transit de la marine américaine qui font le tour de la terre par les pôles à une altitude de mille kilomètres. Pour la réception, il convient d’indiquer sa position, à 60 milles près. Dès qu’un satellite est en vue – il y a seize passages par 24 heures – le récepteur Transit parvient à calculer, avec un délai d’une quinzaine de minutes, la position du bateau avec une précision d’environ 200 mètres.

En 1980, les radars proposés à la plaisance sont encore proches de ceux qui sont destinés à la pêche et au commerce. Cet équipement s’adresse à des voiliers de taille suffisante pour supporter une consommation électrique importante, et des antennes qui pèsent entre 32 et 50 kilogrammes. À l’époque, les écrans radar sont circulaire, avec balayage, et leur portée, 48 ou 72 milles, est importante par rapport aux besoins.

Les communications

La B. L. U, qui signifie Bande Latérale Unique, est un mode de transmission radio qui fonctionne en Hautes Fréquences (HF) sur les ondes décamétriques entre 2 et 25 Mhz. Elle permet de communiquer sur de très longues distances entre navigateurs, d’émettre un message de détresse, d’entrer en communication et de recevoir des bulletins météo pratiquement partout dans le monde. En fait, sa longue portée est dû au fait que les ondes sont réfléchies sur la partie supérieure de l’atmosphère, l’ionosphère. Le plaisancier doit déclarer son matériel et détenir un certificat d’opérateur. À partir du 1er janvier 1982, les émissions des stations côtières sont effectuées en B. L. U., ce qui entraîne un renouvellement ou une adaptation de tous les anciens récepteurs-gonio.

Pour les communications de courtes portées, les radiotéléphones VHF marine sont encore des équipements assez lourds et coûteux, mais qui se perfectionnent rapidement. En particulier, ils peuvent être équipés de clavier et d’affichage à diodes, et surtout de synthétiseurs qui regroupent 55 canaux. La portée des ondes VHF est limitée à environ 25 milles, ce qui est suffisant pour communiquer avec un navire en vue, un hélicoptère, ou un avion.

Dans les courses autour du monde des années 1970, les équipages reconstituaient leurs cartes météorologiques grâce aux messages en morse diffusés par les stations terrestres. En 1980, le récepteur de cartes météorologiques, qui équipe les grands multicoques de course, est le Nagrafax. Même si l’appareil est sophistiqué, le principe est simple : dans le monde entier, des émetteurs diffusent des cartes qui sont analysées ligne par ligne.

La luminosité de chaque point est convertie en signal électrique. Les informations sont inscrites sur un papier spécial qui se déroule, comme sur les fax de nos vieux téléphones, et la carte apparaît.

Dans de la course La Baule-Dakar 1980, Marc Pajot, sur Elf Aquitaine, s’est dévié à l’est pour trouver du vent, alors que Tabarly, sur Paul Ricard s’est engouffré tout droit dans une zone de calme, son électricité étant en panne.

Évolution, révolution

A la fin des années 90, l’électronique a envahi les équipements de navigation des voiliers. Il est possible de lire sa position sur l’écran d’un ordinateur qui possède en mémoire les cartes marines. Les sondeurs, les lochs, les radiotéléphones, les navigateurs par satellite et les radars s’allègent, deviennent de plus en plus simple de fonctionnement et baissent de prix. Avec les centrales de navigation, la micro-informatique décuple les performances et garantit une remarquable fiabilité. Les écrans se multiplient sur tous les récepteurs et leur lecture s’éclaircit. L’électronique s’invite également sur le matériel électrique du bord, les pilotes électriques et hydrauliques, les groupes froids, le chauffage, et naturellement sur la gestion du circuit électrique. À la fin des années 1980, les premiers écrans couleur font leur apparition.

Depuis le lancement du Spoutnik en 1957, les télécommunications par satellite on fait l’objet de recherches et d’investissements exorbitants. Le système Transit a été conçu pour obtenir une frappe précise des missiles Polaris embarqués à bord des sous-marins nucléaires américains. Le projet, lancé en 1958, est opérationnel en 1966.

Grand Pavois, OMC France, présentation d’un GPS, 1992 © Guy Lévèque

En 1988, le dernier satellite du système Transit est mis en orbite, mais la mise en place des premiers satellites GPS (Global Positioning System) par les militaires américains le rend caduque. En effet, la précision qui était de 200 mètres passe à moins de 5 mètres pour une utilisation civile.

Le système GPS comprend au moins 24 satellites circulant à 20 200 kilomètres d’altitude. Répartis sur six orbites, ils émettent en permanence sur deux fréquences modulées par plusieurs codes datés grâce à leur horloge atomique, et par un message de navigation. Ce message permet de connaître précisément leur position à un moment donné. Le récepteur GPS capte les signaux d’au moins quatre satellites. En calculant le temps de propagation des signaux entre les satellites et lui, il définit la distance qui les sépare et peut se situer en trois dimensions, révolutionnant la notion de positionnement.

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