Histoire des Foils, 1861-2000
Les précurseurs
Dès 1861, l’Anglais Thomas W. Moy (1828-1910), puis en 1869, le Français Emmanuel D. Farcot posent les bases du concept. Le premier imagine de fixer trois ailes profilées sous un canot tracté par des chevaux. Il observe que le remous de l’eau autour du bord de fuite de ses ailes immergées diminue avec la vitesse et, accessoirement, que son canot sort de l’eau. Le second, Emmanuel Farcot, dépose un brevet comportant plusieurs améliorations sur les navires. Il imagine une série de plans porteurs latéraux mobiles que l’on incline lors de l’accélération. Le principe de l’hydrofoil est né, mais les bateaux sont encore loin de voler très haut.
En 1878, ce sont deux Britanniques de Londres, John Stanfield et Josiah Clark, qui proposent une méthode pour sortir les navires de l’eau afin d’augmenter leur vitesse. «Nous mettons un certain nombre d’ailettes légèrement inclinées sur les côtés ou au-dessous du navire, sur toute sa longueur, de sorte que lorsque le navire prend de la vitesse, ces ailettes auront tendance à élever le navire sur l’eau.»
Horatio F. Phillips (1845-1926), avionneur, pose également les bases en 1881 du principe de foils transversaux sous les navires rapides, notamment sur les vedettes lance-torpilles. En 1885, le comte Charles de Lambert (1865-1944) construit un radeau de type catamaran formé de quatre tonneaux munis de plaques fixées en dessous, tiré par un cheval sur la berge. L’engin s’élève au-dessus de l’eau. Plus tard, en 1897, sur la Tamise, il expérimente un catamaran sur quatre plans porteurs transversaux. Propulsé par une machine à vapeur, le catamaran frôle la surface de l’eau. Plus tard, en 1904, il reprend ses expérimentations avec un moteur à explosion et cinq foils horizontaux ; il parvient à décoller et à filer à la vitesse de 40 km/h.
Des successeurs innovants
Entre-temps, en 1895, l’avionneur Clément Ader (1841-1925), adapte des foils sur un canot, il en met deux sur l’avant et un sur l’arrière, mais ne poursuit pas dans cette voie. Une des premières tentatives de vol expérimental réussie semble revenir à l’Américain William M. Meacham qui a entrepris depuis 1894 des recherches sur les hydrofoils. Le 29 juillet 1897, à Chicago, il se fait tirer sur une embarcation légère pourvue d’un foil horizontal à l’étrave, et de trois foils à l’arrière. Comme sur le canot de Thomas Moy, l’incidence des foils est auto-réglée par un palpeur sur l’avant.
Après avoir fait voler une maquette d’hélicoptère, l’ingénieur italien Enrico Forlanini (1848-1930) imagine des ailes marines rigides immergées selon un montage en échelle. Au printemps 1898, il expérimente sur le lac Majeure un petit ponton formé de deux flotteurs, tiré par un canot à moteur. Dès lors, l’ingénieur met en chantier un bateau autonome. Le 11 avril 1904, il dépose le brevet d’un canot à moteur muni de foils. L’année suivante, il construit son Idroplano n° 1. L’engin déplace 1,62 tonne et est propulsé par un moteur de 70 chevaux qui entraîne deux hélices à cinq pales contrarotatives fichées à l’avant et à l’arrière. Lors des premiers essais, en 1906, il parvient à faire voler son bateau à la vitesse de 27 nœuds (50 km/h). Deux ans plus tard, il lance avec succès un deuxième appareil plus léger, équipé d’une petite machine à vapeur.
Début 1911, son Idroplano n° 7, long de 10 mètres, est mis à l’eau, propulsé par un moteur Fiat de 100 chevaux et une hélice marine. Le 23 décembre, il parcourt la distance de 34 kilomètres à la vitesse moyenne record de 40,50 nœuds (75 km/h).
La même année, Forlanini fait la connaissance du célèbre inventeur américain du téléphone, Alexander Graham Bell (1847-1922), qui lui achète son brevet. En 1912, avec le Canadien Frederick W. Baldwin, il réalise l’Hydrodrome HD-1, un engin en canard, avec un foil sur l’avant et deux foils à échelle à l’arrière. Ils dépassent les 70 km/h. Lancé en juillet 1919, le prototype HD-4, doté de deux moteurs Renault de 350 chevaux, établit un nouveau record du monde sur l’eau, 70,86 nœuds (131,23 km/h).
En 1899, Gaetano Arturo Crocco (1877-1968) met au point son Barchino Idroscivolante, muni de deux foils en acier, en forme de dièdre, propulsé par un moteur Clément-Bayard de 80 chevaux, actionnant deux hélices aériennes contrarotatives à pas variable fixées à l’extrémité de deux ailerons plantés en V sur le quart arrière de la coque en bois. Au cours de ses essais, le Barchino Idroscivolante dépasse les 70 kilomètres à l’heure. L’engin est conservé au musée de l’Aviation militaire de Bracciano.
D’autres tentatives d’hydrofoils sont réalisées en 1907. Aux États-Unis, Peter Cooper Hewitt (1861-1921), réalise le premier canot à moteur américain qui vole vraiment. Le bateau, en acajou, est très léger et pourvu d’une structure tubulaire supportant le moteur et un ensemble de quatre foils en escalier. À 48 kilomètres à l’heure, le runabout n’est supporté que par le dernier étage des foils. En France, le Brésilien Alberto Santos-Dumont (1873-1932) se fait construire un trimaran gonflable, propulsé par une hélice aérienne. Au cours d’un essai, l’engin coule et Santos-Dumont manque de se noyer. Le 17 octobre suivant, l’appareil est remis en état pour une séance photo …
Sir John Thornycroft, spécialiste des vedettes rapides en Grande-Bretagne, conçoit un nouveau type de carène. Construit en 1909, Miranda III est un runabout à foil de 6,70 mètres de long propulsé par un moteur de 60 chevaux, avec un petit foil placé sous l’étrave. À pleine vitesse, le bateau plane sur la partie arrière plate de la coque.
Les voiliers volent aussi
Il faut attendre 1938 pour voir leurs compatriotes Robert Rowe Gilruth et Bill Carl parvenir à faire voler un petit catamaran à foils, le Catafoil. Début 1950, l’industriel américain J. Gordon Baker vole à bord de Towboat II, gréé en cat-boat et équipé de foils en V. En 1954, il imagine Monitor, une coque de 8 mètres de long, dotée de deux foils latéraux à échelle et d’un foil safran, et propulsée par deux ailes en aluminium placées côte à côte. Trop coûteuses, les ailes seront remplacées par un gréement classique. En 1955, le voilier affiche 30,40 nœuds (56 km/h).
En 1969, James Grogono adapte des foils sur un Tornado modifié, Icarus. Il sera six fois recordman de vitesse sur 500 mètres en Classe B. En 1983, il atteint 28,10 nœuds.
Entre-temps, toutes les marines militaires font des essais de vedettes sur foils, qui débouchent sur des navires plus importants filant 40 ou 50 nœuds. Les vedettes à passagers se développent également partout où il n’y a pas de trop grosses vagues, en particulier sur les lacs, développés par une dizaine de pays.
Dans les années 1960 et 1970, certains ont marqué l’histoire des voiliers à foils par l’ingéniosité et la persévérance de leurs travaux. Il convient de citer les Véliplanes (1964) de Claude Tisserand, le NF2 (1968) de Dr. Sam Bradfield, Kotaka (1972) de Leif Wagner Smith et le Force B (1976) des frères Pattison.
À partir de 1972, une semaine de vitesse à la voile est organisée à Weymouth, dans le sud de l’Angleterre. Chaque année, de nouveaux engins à foils sont présentés et tentent de battre les records sur 500 mètres détenus par le prao Crosbow. La semaine de vitesse de Brest débute en 1975, mais ne dure qu’une petite dizaine d’années.
Après les tentatives de Roland Tiercelin et son Trimama de 12 mètres avec des voiles sur chaque coque en 1978, les foils s’invitent sur les multicoques de course océaniques. L’année suivante, Hydrofolie, un trimaran conçu par
Xavier Joubert pour Alain Labbé, possède des foils réglables grâce à une charnière à l’intersection du bras et du flotteur, avec une jambe de force. Le voilier existe toujours, revu par Marc Lombard.
En 1981, le chantier Le Guen-Hémidy réalise le trimaran à foils Gautier II sur un plan Sylvestre Langevin en aluminium. Long de 13,72 mètres, et mené par Jean-Yves Terlain et Christian Février dans la Twostar Europe I avec une grand-voile à profil épais conçue par Alain Chapoutot, le voilier montre des qualités de vitesse surprenantes. Deux ans plus tard, Vincent Levy s’adresse aux architectes Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot-Prévost pour son trimaran à foils de 50 pieds Gérard Lambert, dont les foils sont signés Silvestre Langevin. Ce dernier dessine le trimaran de 50 pieds de François Boucher Ker Cadelac, un sistership pour Denis Gliksman, St Marc, et le 60 pieds d’Yves Terlain Meccarillos. La même année, l’architecte Marc Lombard ouvre son cabinet et conçoit Plan d’Enfer, de 12 mètres de long, avec des foils en T sous les flotteurs.
Une mention spéciale doit être donnée au TriFoiler de Dan et Greg Ketterman dont la maquette date de 1981 et qui a été produit en série entre 1992 et 1999. Longshot a détenu des records dans les trois catégories, A, B et C. Il remporte encore des compétitions malgré le foisonnement de nouveaux venus.
Premier voilier à foils conçu pour courir la Coupe de l’America, le trimaran britannique à foils Blue Arrow, de 65 pieds, a été mis à l’eau en 1988 par Peter de Savary pour tenter de participer aux sélections des challengers à San Diego. Par manque d’accord avec les Néo-Zélandais, il est resté en Angleterre.
L’hydrofoil piloté par Éric Tabarly en 1976 est à l’origine du trimaran Paul Ricard. Stabilisé par des foils, celui-ci bât en 1980 le record de la traversée de l’Atlantique, établi depuis 1905 par Charlie Barr. Son élève, Alain Thébault, réalise l’Hydroptère en 1994 ; il ne cessera d’en améliorer le concept. En 2009, il parvient à tenir les 51,36 nœuds sur 500 mètres.
Si l’Anglais Andy Paterson est l’un des premiers à avoir mis au point un Moth à foils, les Australiens Brett Burvill et John Ilett utilisent la dérive et le safran avec un T comme foil et révolutionnent le Moth. Certains parviennent à dépasser les 32 nœuds.