Rallye Niamey-Bamako
Un cap franchi au-delà de toute espérance
Dans les années 1980, le goût de l’aventure et la recherche de l’extrême sont dans l’air du temps. Thierry Sabine, en connaisseur de l’Afrique sub-saharienne, voit dans le fleuve Niger qu’il côtoie souvent par suite du succès phénoménal de son rallye Paris-Dakar, un nouveau terrain d’expérimentation sportive.
Pendant des siècles, le fabuleux Niger est resté une énigme géographique pour les explorateurs. Long de près de 4 200 kilomètres, il coule en abondance des monts de Guinée et de Sierra Leone jusqu’à son delta du Nigeria qui se déploie vers l’Atlantique dans la région de Port Harcourt. Il est aussi le fleuve qui baigne Tombouctou, la légendaire. Aux portes du désert, son cours est ourlé d’une bande verte de quelques dizaines de mètres de large qui le sépare des immensités infertiles.
Le nouveau défi à relever est une remontée de près de 2 000 kilomètres partant de Niamey, la capitale du Niger, pour traverser une partie du Mali et rejoindre sa capitale Bamako. Une quarantaine de concurrents va répondre avec enthousiasme mêlé d’appréhension à l’invitation.
Comme le Paris-Dakar, ce rallye est plus particulièrement ouvert aux amateurs, tout en attirant immédiatement une poignée de professionnels. Son règlement est simple avec des bateaux de moins de 6 mètres répartis en trois classes, deux pour les pneumatiques à fond souple ou rigide et l’autre réservée aux coques rigides. C’est dans cette dernière que le chantier Jeanneau décide de tenter l’aventure avec d’importants moyens. Les organisateurs ont bien prévenu les candidats qu’il ne s’agissait pas d’une croisière touristique dans un cadre enchanteur. Sous sa majestueuse apparence, le Niger cache d’innombrables pièges en eaux troubles, des zones de rapides, des rochers immergés très dangereux, des méandres boueux et de traîtres bancs de sable. Pour contrer une petite escadre de Zodiac MkII et de d’Artagnan, le constructeur des Herbiers réalise spécialement cinq coques de Cap Camarat de 5,10 mètres en Kevlar baptisées «type Niger». Leur carène en V est redessinée sur son tiers arrière pour réduire le tirant d’eau. Un pontage partiel en toile protège le cockpit est auto-videur et la cale centrale reçoit des nourrices souples de 250 litres de carburant. L’équipage de deux dispose d’un poste de pilotage surélevé et de quoi ranger paquetages, réserves d’eau, outils et pièces de rechange. Par sécurité, la propulsion est répartie entre quatre unités hors-bord de 140 ch. de marques différentes et une seule, plus expérimentale, à moteur inboard BMW de 130 ch. avec turbine. Gérard d’Aboville choisit d’emblée cette version pour prendre le départ du raid avec l’un de ses frères. Ils ne sont pas en terre inconnue, toute la fratrie a déjà participé au Paris-Dakar à moto trois ans auparavant. Deux véhicules tout-terrain sont chargés de pièces, d’hélices et d’embases pour suivre les cinq bateaux confiés à des pilotes très expérimentés dont un équipage féminin et des journalistes spécialisés.
Après cinq étapes remportées par les Cap Camarat 510 «Niger», leur constructeur n’a pas à regretter son engagement important dans cette première africaine, récompensé par la victoire au classement général de l’équipage d’Aboville, et quatre bateaux arrivés à Bamako dans les sept premiers. Outre son effet positif sur sa notoriété et ses retombées commerciales, ce raid a permis à Jeanneau de parfaire ses capacités de gestion d’une équipe de compétition, une expérience qui va lui servir quelques années plus tard sur les circuits réservés aux catamarans monoplaces hors-bord des championnats internationaux inshore.