Compétition et plaisance naviguent en double
La scène se passe en Méditerranée, au large des côtes françaises au début des années 1980. Un offshore lancé sur mer calme par beau temps est suivi de près par un hélicoptère calé dans son sillage. Un homme à la carrure athlétique se tient debout, armé, sur le patin droit de l’appareil qui s’approche au ras des flots. Sur le bateau, on peut lire la marque “Tullio Abbate” dans une couronne de lauriers et un grand “Mister Nicolas” sur les flancs. L’homme saute sur le bain de soleil et arraisonne l’unité. Jean-Paul Belmondo vient d’exécuter une des grandes cascades de son répertoire dans Le Marginal. C’est ainsi que des millions de spectateurs, puis de téléspectateurs, ont pu rêver pendant quelques minutes haletantes de luxe et de vitesse en se projetant à bord d’une coque en V conçue pour la course. Elle a été prêtée pour le film par un certain Alain Prost, le multiple champion du monde de Formule 1, qui s’est offert ce beau jouet pour fêter la naissance de son fils Nicolas. Pilotes automobiles et motonautiques appartiennent à des mondes à la fois proches et généralement cloisonnés que des chantiers comme l’Italien Abbate ou les Américains Magnum et Cigarette vont contribuer à grandement rapprocher.
Stars, vitesse et détente
Dans cette décennie prospère, la détente et les vacances sont, plus que jamais, synonymes de pilotage d’unités puissantes et rapides en mer pour les grandes vedettes internationales de la musique, du cinéma ou des circuits. Les magazines « people » s’en délectent chaque été tout en faisant indirectement la promotion de tout le secteur de la plaisance à moteur. De plus, au milieu des années 1980, la course offshore connaît son apogée en Europe, avec des plateaux de plus de trente unités de la Classe 1 – la plus puissante qui dispute le championnat du monde – au départ des grandes classiques en Manche ou en Méditerranée. Aux Etats-Unis aussi, les performances atteintes par les meilleurs catamarans sont stupéfiantes et l’Américain Al Copeland signe un nouveau record du monde officiel à 222,87 km/h en mars 1987 au de Miami. Mais, à de telles vitesses, le moindre déséquilibre peut être fatal, en particulier pour les grands monocoques qui frôle les 190 km/h. Au mois d’août de la même année, le champion automobile Didier Pironi aux commandes de son ACX 41’ Colibri construit à Brest, est victime, avec son équipage, d’un accident mortel au large de l’Île de Wight, un drame au retentissement considérable.
Compétition dans les flots Intérieurs
Cependant, les avancées de la compétition motonautique se mesurent aussi sur les plans d’eau intérieurs et depuis le début la fin des années 1970, deux industriels de la plaisance française se tournent aussi vers ce sport à hauts risques et ses Grand Prix. Après une quinzaine d’années d’absence des compétitions, Jeanneau crée une écurie de Formule 1 motonautique, dotée de catamarans monoplaces à moteur hors-bord qui vont remporter de nombreux succès pendant plusieurs années. Le chantier en profite pour développer sa maîtrise technique dans la réalisation des composites, en particulier avec le Kevlar, et renforcer son image de marque. Il triomphe, entre autres, lors des 24 Heures de Rouen de 1987 avec un triplé qui se double d’un nouveau record de distance de 2627 kilomètres à la moyenne de 109 km/h. De son côté, Bénéteau joue également la carte des performances en inshore en s’alliant avec le champion et brillant constructeur hollandais Cees Van der Velden pour créer et construire des catamarans hors-bord de dernière génération. Son succès immédiat, avec la victoire de l’équipage Velden/Posey aux Six Heures de Paris de 1979, annonce bien la décennie suivante. En effet, dès le début des années 1980, l’écurie Velden-Bénéteau Racing relève le défi de se hisser au meilleur niveau des Grands Prix du championnat du monde inshore dont la France est absente. Cees Van der Velden, également pilote d’usine OMC pour les moteurs Johnson, est à la tête d’une équipe internationale dans laquelle on remarque, en particulier, le talentueux François Salabert, l’un des très rares pilotes professionnels français. Cependant, la collaboration étroite entre le champion hollandais et Bénéteau ne s’arrête pas aux résultats sportifs. En donnant naissance à la première génération de la gamme des Flyer, elle illustre bien l’influence décisive de la compétition sur les performances des coques et des moteurs de plaisance.