Vers des motorisations plus vertueuses ?

Gérald Guétat
Innovation
600 ch Mercury, Tiara 38, 2025
Cet horizon idéal semble encore bien loin dans une décennie où dominent des moteurs hors-bords de plus en plus puissants, montés sur des types de bateaux où l'on n'avait encore jamais osé le faire. Signe des temps, après plus de 100 ans de présence, le moteur à deux temps disparaît des écrans radars.

Rarement période de l’histoire de la plaisance à moteur aura été plus riche en évolution dans le domaine de la motorisation, laissant apparaître, dans le même temps, des positions souvent paradoxales quant à des préoccupations écologiques affichées mais encore très éloignées des réalités du marché.

A tout seigneur, tout honneur, c’est le type de propulsion ayant permis la démocratisation du motonautisme dès les années 1910 – le hors-bord – qui est revenu au tout premier plan, cent ans plus tard. Une guerre technique et commerciale des grandes puissances a commencé au début des années 2000, au moment où la firme japonaise Honda lançait un moteur hors-bord V6 V-Tec de 225 ch., un monstre pour son époque. L’Américain Mercury ne tardait pas à répliquer avec un nouveau 6 cylindres en ligne à quatre temps et compresseur, baptisé Verado. Affichant 275 ch., il entrait dans la légende en 2007 comme le hors-bord de série et de plaisance le plus puissant du marché. La course aux chevaux ainsi déclarée allait dominer toute la décennie 2010-2020, faisant progressivement du hors-bord un atout dans la montée en gamme de l’offre des chantiers.

Tout en respectant scrupuleusement les normes antipollution, les motoristes ont adopté de nouvelles technologies extrêmement performantes qui leur ont permis de proposer des groupes propulseurs toujours plus ambitieux. Au cœur de cette grande bataille technologique, le choix du cycle à deux ou à quatre temps semblait tranchée, la majorité des grandes marques comme Yamaha, Suzuki, Honda et Mercury ayant opté pour ce dernier. Cette domination n’a pourtant pas empêché une firme historique comme Evinrude de tenter à nouveau de reprendre l’avantage avec le deux-temps. En développant de nouveaux moteurs à injection directe très avancés, Evinrude, malgré tout suivi comme son ombre par son rival de toujours Mercury, ont commercialisé des deux-temps au rendement particulièrement efficace sur le plan environnemental et, à la fois, sobres en consommation.

Valse-hésitation, à deux ou quatre temps

La tendance au montage de hors-bord très puissants est d’origine américaine, pour propulser, entre autres, des unités rapides de pêche au gros – open ou fishing – ainsi que d’imposants dayboats. Sur un bateau à carène hydroplane, le couple obtenu à bas régime est une caractéristique essentielle pour déjauger rapidement. Sur ce point, le moteur deux-temps présentait d’excellents résultats, que les concurrents d’Evinrude ont tôt fait de contrer par d’autres technologies de pointe, tout en soulignant les effets négatifs du cycle court sur l’environnement par ses rejets de particules issues de lubrifiant brûlé en même temps que le carburant. Au cours de cette période intense des années 2010-2020, même le leader mondial du moteur de plaisance Volvo s’est laissé tenter par une aventure dans l’univers impitoyable du hors-bord en achetant l’Américain Seven Marine, alors producteur des deux moteurs les plus puissants du monde, soit 557 et 627 ch., laissant loin derrière le Mercury Verado 400.

Le sort des deux tentatives, celle d’Evinrude dans le deux-temps, et de Volvo dans les folles puissances ont pris fin brutalement à la fin de la décennie, sous la double pression de considérations environnementales et de politique industrielle. Toutefois, l’annonce de la disparition de la marque Evinrude a été ressentie comme un coup de théâtre dans le milieu motonautique, mettant un terme à une présence prestigieuse de plus de 110 ans sur le marché.

Dans le même temps, les grands constructeurs de hors-bord à quatre temps ne se cachaient plus de cibler directement la motorisation in-bord toujours dominante dans les chantiers européens sur des bateaux de plus de dix mètres. Avec une fiabilité éprouvée, des moteurs hors-bords pouvaient prétendre à les équiper, quitte à les aligner par deux ou trois sur les tableaux arrière, tel que cela se pratiquait couramment aux Etats-Unis.

Suivant cette voie, Jeanneau, par exemple, a pu commencer à proposer son modèle Merry Fisher 1095 doté de deux moteurs hors-bord de 300 ch. chacun. Les économies réalisées à l’achat, à l’usage et à l’entretien ont constitué une large base de l’argumentaire soutenant cette proposition novatrice et audacieuse.

De fait, les chiffres ont donné raison à ce choix du hors-bord, plus facile et moins coûteux à entretenir qu’un in-bord, sans parler d’un gain considérable de place à bord. L’Allemand Fjord a fait de même en équipant aussi un open de 36 pieds, le rendant ainsi moins cher, moins lourd, plus silencieux tout en réduisant les vibrations.

Et la fin du moteur thermique dans tout cela ?

A la fin de la décennie 2010-2020, leur interdiction à terme, à la suite de celle concernant l’automobile, reste évidemment dans tous les esprits. La propulsion électrique, prometteuse, fait l’objet de nombreuses tentatives de la part de petites entreprises pionnières qui proposent de remplacer les anciens moteurs ou de commercialiser des modèles entièrement conçus pour fonctionner avec la nouvelle technologie. Les problèmes de poids des batteries et d’autonomie réservent encore ces tentatives à de petites unités, de service ou de tourisme. De même, le photovoltaïque reste cantonné à la recharge des batteries par panneau solaire.

Alors que le secteur automobile connaît déjà une très large diffusion des systèmes hybrides et hybrides rechargeables, leur transposition au motonautisme n’est pas sans poser divers problèmes, dont celui de l’absence du freinage générateur d’énergie. Au tournant de la nouvelle décennie, le chantier Jeanneau a annoncé travailler sur des prototypes à solutions hybrides avec Volvo Penta, pour une mise sur le marché envisagée avant 2030. Les moteurs de bateau doivent être capable de tourner à relativement haut régime pendant de longues périodes, posant divers défis que les ingénieurs vont s’attacher à résoudre. De nombreuses avancées sont à attendre dès la décennie 2020-2030. La perspective d’une décarbonation progressive de la plaisance à moteur reste cependant lointaine, quand s’ouvrira alors un nouveau chapitre de l’histoire du motonautisme.

Centre essai goteborg Volvo Hybride, 2023

À découvrir aussi

La location : Une autre pratique de la plaisance