La parole est aux designers

Gérald Guétat
Innovation
Wider 42, 2011
Dans un contexte de reprise mondiale et de montée en gamme, le secteur motonautique fait preuve, particulièrement en Europe, d'une très grande vitalité en matière de création de style et d'innovation technique, faisant émerger nombre de nouveaux concepts appelés à dominer les productions dans le futur.

Bien que difficilement comparables en termes de volumes et de capacités d’investissement, les industries automobiles et nautiques n’en partagent pas moins certaines tendances de fond en vue de séduire les acheteurs et de se démarquer des concurrents.

A cet égard, la mise en lumière des collaborations entre les studios de design indépendants et les grands chantiers, amorcée au tournant du nouveau millénaire, s’est nettement amplifiée entre 2010 à 2020. Cette nouvelle vague d’innovation aura été le fait, en grande part, de créateurs européens, Britanniques (le Brexit ne concerne pas cette décennie), Italiens et Français. La liste en est longue. Pour n’en citer que quelques-uns parmi les plus présents sur le marché français du bateau à moteur (en excluant les yachts de plus de 70 pieds), les noms suivants sont entrés dans l’histoire du motonautisme avec les marques ayant fait appel à leurs services. Le premier s’appelle Patrick Banfield. Basé en Angleterre, il a révolutionné sa spécialité en dessinant le Wally Tender dans les années 2000. En œuvrant pour le chantier allemand Fjord, son modèle 40 est devenu un marqueur de l’évolution du design dès le début des années 2010. D’une manière générale, la perte d’influence de la création américaine en matière de plaisance à moteur a été confirmée. Le style de vie des vacances en Méditerranée a pris le relais et va dicter, pratiquement à lui seul, la tendance pendant toute la décennie. Dès lors, l’on ne s’étonnera pas de retrouver nombre d’Italiens dans le sillage de l’industrie transalpine du yachting à la vitalité démontrée de longue date.

Ainsi, Vittorio et Camillo Garoni ont-ils œuvré à de nombreux modèles de Jeanneau dont des Leader et NC, après les Merry Fisher 585, 705, 925, 8 et 10, ainsi que les Cap Camarat Runabout, 635, 635 WA, 715 WA, 755 WA ou les Prestige 620 puis 630.

Pierangelo Andreani, basé à Sondrio – au nord du lac de Côme en Lombardie – et passé par l’automobile, est intervenu sur les Bénéteau, Swift Trawler 30, Gran Turismo 32, 34, 40 et 46.

Fjord 40, 2008
Jeanneau leader 33, 2016

Paolo Cagliari, l’un des pionniers de l’image du grand yachting “made in Italy”, a collaboré avec Mochi Craft, tandis que le jeune Christian Grande se penchait sur les lignes d’unités signées Sessa ou, plus tard, Invictus.

Le célèbre duo Nuvolari-Lenard, de Venise, s’est fait initialement connaître dans l’univers des grands yachts avant d’apporter sa “patte” à la marque Monte Carlo de Bénéteau (MC4, MC5 et MC6), puis, plus tard à gamme Gran Turismo.

En Italie, une diversification soulignant l’importance du motonautisme en termes de développement potentiel est intervenue au milieu de la décennie 2010 avec l’entrée de Cantiere del Pardo, basé près de la côte Adriatique, sur le marché des open / dayboat de luxe de plus de 40 pieds. Ce chantier s’était illustré jusque-là en produisant les voiliers de croisière Grand Soleil avant de lancer son 43 walkaround en 2017, signé Zuccheri Design. En France, en plus des bureaux de style intégrés aux chantiers, le studio de Patrice Sarrazin n’aura pas été en reste en travaillant aussi bien sur les Jeanneau Leader 605 et 705 que sur le Merry Fisher 805, sans oublier la création du style à succès insufflé à la gamme Cap Camarat, à commencer par le 625.

Beneteau MC5, 2013
Pardo 43

Des aménagements à géométrie variable

Le design ne saurait accomplir seul des miracles et se passer de solides avancées techniques pour faire évoluer le mode de vie à bord des bateaux de plaisance à moteur.

Dans la mouvance du développement des servitudes électriques ou hydrauliques sur les unités les plus coûteuses, les options se sont multipliées. De plus, la précision croissante des techniques de moulage et d’ajustement des montages a autorisé de nouvelles avancées réservées jusque-là au secteur du grand yachting. Ainsi, la plage de bain immergeable est entrée dans les catalogues de certaines unités entre 42 et 50 pieds, dès la fin de l’année 2010. Cet équipement complexe facilitera l’embarquement d’une annexe ou d’un jet ski, tout en apportant à la baignade des conditions de confort dignes des plus luxueuses piscines.

Également apparu au début de la décennie 2010-2020, un open de 42 pieds est venu bouleverser le concept du bateau traditionnellement figé dans sa largeur. Avec le Wider imaginé en Italie, un simple bouton permettait de faire coulisser vers l’extérieur, de chaque coté de la coque, une extension cachée du pont en abaissant automatiquement les pavois.

Dans le même esprit, en 2014, Evo Yachts, autre nouvelle marque italienne dans le segment très concurrentiel des dayboats et des grands opens, a dévoilé son modèle R4 à pavois extensibles pouvant offrir jusqu’à quarante pour cent d’espace de pont supplémentaire, une véritable terrasse donnant sur la mer.

Jeanneau CC 10_5, 2002

Les coques infusent et les carènes se perfectionnent

La décennie 2010-2020 s’est distinguée par de nombreuses créations stylistiques qui marqueront leur temps. Mais aucune n’aura connu une telle généralisation que celle des grandes ouvertures vitrées. Souvent teintées, elles ont contribué à souligner, de manière spectaculaire, les grandes horizontales qui définissent le dessin des coques et des superstructures. Tout a commencé en 2003 chez l’Italien Azimut-Benetti avec une luxueuse unité de 68 pieds. Une telle innovation, et d’autres, ont été rendues reproductibles par des progrès dans les procédés de moulage des coques en fibre de verre. Dans ce domaine, les industriels ont parallèlement généralisé la construction en infusion de résine sous vide, offrant des normes de sécurité plus rigoureuses, une meilleure protection de l’environnement et une amélioration des conditions de travail dans les ateliers. En France, Ocqueteau, Jeanneau et Bénéteau ont été parmi les premiers à l’adopter. De plus, à l’approche de la fin de la décennie, les carènes ont été revues pour donner de meilleures performances et réduire la consommation, en vue, en particulier, d’optimiser les lignes d’eau pour l’utilisation croissante de la transmission par pod de l’IPS Volvo. Cela s’est traduit chez Bénéteau, entre autres, par la carène brevetée AirStep appliquée au Monte Carlo 52 lancé en 2019. Le monde n’est alors pas encore au courant de la propagation d’un certain virus, quelque part en Chine.

Prestige 500, 2011

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