La conquête de l’embase
L'Aquamatic 80 ch. révolutionne l'industrie
L’apparition de l’Aquamatic, avec son embase relevable reliée à un moteur de 80 ch. à essence, arrive à point nommé pour se joindre aux grands bouleversements qui attendent les chantiers de la plaisance dès le début des années 1960. L’idée n’est pas vraiment nouvelle. Dès les années 1920 et 1930, certains ont tenté de se passer de la traditionnelle transmission par ligne d’arbre à bord de puissants bateaux de course à moteur interne. L’ingénieur français Paul Bonnemaison et l’Italien Guido Cattaneo se sont inspirés des embases fixes des moteurs hors-bord de compétition de l’époque. Quelques versions « tourisme » voient le jour dès 1946, mais sans le relevage de l’hélice qui reste l’apanage du hors-bord jusqu’en 1957.
Z-Drive : Révolution secrète chez Mercury
Cette année-là, Jim Wynne, pilote d’essai sur le lac de la base secrète des hors-bords Mercury en Floride, démissionne pour mener à bien un projet personnel : mettre au point une nouvelle transmission à embase relevable. Le charismatique et redoutable patron de Mercury, Karl Kiekkaffer, ignore alors tout de l’assistance technique que lui apporte, en sous-main, son propre ingénieur en chef, le très inventif Charles Strang. En fait, ce dernier a déjà dessiné les plans du futur “Z-drive” depuis plus de dix ans sans trouver d’écho chez son employeur. C’est lui le véritable instigateur de l’opération. Le marché du hors-bord est alors en pleine expansion mais avec des puissances limitées et des coûts relativement élevés dans le haut de gamme. À la fin des années 1950, tout semble concourir à une démocratisation de la plaisance. L’objectif de Strang et de Wynne est de réunir les avantages des blocs automobiles de grande série (prix, fiabilité, variété, puissance) avec les points forts de la transmission hors-bord. La maison Volvo leur fournit alors la mécanique et s’associe, dès le début, à la mise au point d’un système destiné à élargir considérablement l’offre motonautique. En 1960, l’Aquamatic Volvo est encore seul sur le marché, mais dès 1961, la concurrence s’organise, autant de la part d’autres constructeurs de moteurs internes que de fabricants de hors-bord, Mercury en tête, qui annonce la sortie de son “Stern-Drive” adaptable à de nombreuses mécaniques. En effet, Charles Strang, qui a été évincé par Wynne, s’est lancé avec succès dans le contournement du brevet de l’Aquamatic pour le compte de Mercury et créer la division Mercruiser.
Aquamatic Triomphe : Guerre commerciale
Dans les petites et moyennes puissances, y compris en diesel, l’Aquamatic triomphe dès le milieu des années 1960 avec plus de trente chantiers utilisateurs en Europe comme en Amérique. Dans le pays de la concurrence sans merci, une guerre commerciale commence avec l’entrée en lice, entre autres, de Chrysler, puis d’O.M.C. avec Evinrude et Johnson.
À la fin des années 1960, on compte, en Europe, plus de dix marques de propulseurs à embase relevable et des adaptations possibles à de nombreux moteurs, le plus souvent d’origine automobile. Même Porsche et B.M.W. s’y mettent et chez les Français, on recense les noms de R.H.F., François, Peugeot et Constantin. Les aléas de l’économie, de la situation internationale et des exigences du marché feront vite un grand ménage.
À partir de la fin des années 1960, en dépit des progrès constants des moteurs hors-bord, l’embase Z-drive ne cesse de gagner des parts de marché, le moteur quatre-temps à essence consommant moins que le deux-temps des hors-bords, sans oublier la montée en puissance des unités diesel où Volvo conserve une avance.