L’ère des monotypes de régate

Didier Ravon
Culture
First class 8, 1990 ©Gérard Beauvais
Au début des années 80, le First Class 8 lancé par le chantier Bénéteau allait marquer son temps. Le Fun construit par Jeanneau prouvait alors également l’appétence des régatiers pour la course à armes égales.

J 24 : une série internationale à succès

Les monotypes de régate étaient encore discrets en France, même si la baie de Quiberon notamment était écumée par nombre de J 24. Dessiné par l’Américain Rod Johnstone (J Boat), produit à plus de 5 000 exemplaires depuis 1977, série internationale, le J 24 était diffusé sur tous les continents. Les meilleurs régatiers de la planète se retrouvaient lors de championnats du monde forts disputés, les lauréats ayant systématiquement un palmarès long comme le bras.

Le Surprise signé du tandem Joubert-Nivelt, construit par Archambault un an plus tôt, allait à son tour connaître un grand succès, grâce à sa facilité d’utilisation, ses performances, et des emménagements intérieurs rustiques et fonctionnels «style refuge de montagne», permettant d’envisager de courtes croisières à quatre.

First Class 8 : un pari osé mais réfléchi

Cinq ans plus tard, le chantier Bénéteau par le biais de Jean-Bernard Boulay à la tête du service commercial, ayant notamment mis sur orbite le réseau des concessionnaires, et François Chalain l’homme des projets voile, décidaient avec Annette Roux à la tête du chantier vendéen de lancer un monotype de course-croisière de moins de huit mètres.

First Class 8, 1990 ©Gérard Beauvais

Ayant sensiblement les mêmes caractéristiques que le J 24 et le Surprise, le First Class 8 (7,85 mètres de long pour un déplacement d’environ 500 kilos, une surface de voilure de 38 m2 au près et de 69 au portant), était également transportable. En revanche, sa quille relevable, grâce à une manivelle située dans le carré avec une sorte de vis sans fin, permettait d’accéder et mouiller au fond des criques les plus reculées. A la fois visionnaire et intuitif, François Chalain, ancien équipier du Baron Bich lors de la préparation de la Coupe de l’America, proposa alors à deux cabinets d’architecture navale, d’habitude en concurrence, de s’associer pour concevoir le voilier.

Dessiné par Jacques Fauroux et le Groupe Finot, le First Class 8 fût une incontestable réussite. Il allait être construit à plus de 1 200 exemplaires durant quinze ans. Ses emménagements sommaires mais ergonomiques, son design intérieur séduisant avec ses banquettes colorées en vinyle, en faisaient également un «day boat» parfait pour les plaisanciers ayant envie de naviguer sur un bateau rapide.

La course en First Class 8 : un défi exaltant

En course, pour des questions d’équité, l’on régatait à quatre ou cinq selon un poids d’équipage maximal limité. Le «Class 8» était non seulement robuste, mais raide à la toile et impressionnant dans la brise.

Lors des championnats de France et d’Europe regroupant plus de 80 bateaux avec les ténors de la régate, des médaillés olympiques, des vainqueurs de la Whitbread et des Tons Cups, les meilleurs maître voiliers, mais aussi des amateurs férus de régate… les écarts étaient serrés, qu’il fallait parfois la «photo finish» pour départager les vainqueurs. Réputé un peu « lourd » à la barre, le très marin « Class 8 » planait comme un dériveur au portant, et permettait aux équipages les plus aguerris, de tenir le spi jusqu’à force 7. L’association de classe très dynamique, grâce notamment à Thierry Orbach, a beaucoup participé à la promotion du monotype.

First Class 8, 1990 ©Gilles Martin Raget
Présentation de la first Class 8, 1987, INA

Le Fun : un monotype prometteur

Le chantier Jeanneau n’était pas en reste. La même année, il lançait le Fun, un joli monotype de 7,10 mètres dessiné par le célèbre tandem Joubert-Nivelt, et qui avec son tableau arrière ouvert, ressemblait à un quarter tonner, prototype de la jauge IOR. Equipé également d’une quille relevable, transportable, le sloop à gréement fractionné, ses 28 m2 de toile au près et ses 51 au portant, possédait un plan de pont très «dériveur» avec nombre de palans.

Le premier championnat du monde disputé à La Rochelle fût une incontestable réussite. Remporté par Xavier Phélippon, futur sélectionné olympique, et dont le père Guy fût l’une des chevilles ouvrières lors de la création du Grand Pavois, il permit d’asseoir la notoriété du monotype. Après Jeanneau, le Fun fût construit au Chantier Naval Azuréen. L’Italien Lillia, habitué à travailler avec le cabinet Joubert- Nivelt et spécialiste de la construction du Star olympique, allait également le produire, mais qui malgré ses qualités et son look moderne, n’eut pas la carrière de son «cousin» First Class 8, en nombre d’unités produites, soit 230 exemplaires environ.

«En course, pour des questions d’équité, l’on régatait à cinq avec un poids d’équipage maximal autorisé»
Fun ©Guy Lévèque

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