Compétition inshore

Gérald Guétat
Innovation
En ON, Angelo Molinari pilote le n°55, 1972 ©Guy Lévèque
Les compétitions de vitesse ou d’endurance sur plan d’eau intérieur - dite «inshore» dans les règlements sportifs internationaux – sont disputées par des petites unités de moins de 6 mètres. Au tournant de la décennie 1970, coques en V et catamarans se livrent à un duel encore indécis mais tous les prétendants à la victoire sont majoritairement propulsés par des moteurs hors-bord.

À la recherche de la bonne formule

Alors que l’offshore est une discipline encore neuve dans les années 1970, la compétition inshore est l’héritière de décennies de pratique et d’évolution. En course, comme en régate à voile, l’architecture des bateaux résulte toujours de savantes interprétations d’une jauge officielle. En motonautisme, les règlements internationaux ne sont pas unifiés, l’American Powerboat Association faisant son affaire du continent nord-américain tandis que l’Union Internationale Motonautique règne sans partage sur «le reste du monde». Alors que les cylindrées, les longueurs et les poids mesurés pour définir les principales catégories disputant les principaux championnats respectifs diffèrent entre les deux organisations, les types et les formes des bateaux tendent à se rapprocher sous la pression d’une même et unique quête, celle de la vitesse. La décennie sportive 1970 est, particulièrement en Europe, marquée par plusieurs tournants techniques par rapport aux périodes antérieures, que ce soit en course de vitesse pure (type Grand Prix) ou d’endurance (type 24 Heures de Rouen ou Six Heures de Paris).

Évolution vers les catamarans hors-bord

6H de Paris equipe Beneteau, 1979 ©Guy Lévèque

Dans l’univers de la vitesse, on assiste progressivement à la fin du règne absolu de la coque à trois points qui dominait depuis les années 1940. Cela signifie que les moteurs internes – généralement issus de l’automobile (de Peugeot à Ferrari en passant par Maserati, Fiat ou Lancia et bien d’autres…) et placés devant le pilote – vont disparaître au profit de catamarans tractés par des moteurs hors-bords et pilotés depuis un cockpit situé tout à l’avant de la coque. Bien que l’adaptation initiale du principe de deux coques à la plaisance soit attribuée aux Anglais dans les années 1950, ce sont les Italiens qui vont passer premiers maîtres du genre, dès les années 1960. En tête, le constructeur Angelo Molinari, installé sur le lac de Côme (Lombardie), fait équipe avec son fils Renato, un génie du pilotage qui finira par cumuler la bagatelle de dix-huit titres de champion du monde dans les années 1990… En endurance, dans la décennie 1970, les coques en V, désormais dominantes en plaisance, font encore, un temps, acte de présence. Mais, rien ne résiste aux performances toujours supérieures du catamaran, au prix d’un danger de tous les instants. En effet, le tunnel qui sépare les deux fines coques, qu’elles soient signées, par exemple, Molinari, Hodge (Grande-Bretagne), Velden (Hollande) ou Cormorant (France), exploite astucieusement des effets aérodynamiques, par nature plus ou moins violents, imprévisibles et instables, à des vitesses pouvant atteindre les 200 km/h sur un plan d’eau bouillonnant et soumis au vent.

 

Les années 1970 et 1980 sont donc malheureusement endeuillées de nombreux accidents mortels. Cependant, le potentiel des catamarans est tel que l’on va préférer tenter de protéger le pilote en l’installant dans des cellules hautement résistantes (les premières seront des éléments de cockpit du chasseur américain F16), que de songer à se passer de la formule gagnante. L’on comprendra mieux les enjeux attachés au succès incontournable (jusqu’à nos jours) du catamaran en les situant au cœur de la bataille commerciale mondiale que se livrent alors les deux géants du moteur hors-bord : Mercury et OMC (avec ses marques Evinrude et Johnson). Alors que les pilotes sont au volant de coques signées de multiples petits constructeurs, point de salut sans la présence à l’arrière de la coque, d’un moteur OMC ou Mercury, que ce soit en vitesse ou en endurance. La décennie 1970 est ainsi le théâtre d’une montée en puissance et en complexité des moteurs deux-temps de deux litres ou de trois litres signés des deux ténors américains qui font la loi sur les circuits. Dans les parcs fermés des grandes épreuves, l’on parle bientôt de plus de 240 chevaux et jusqu’à 330 selon les catégories et pour les écuries de pointe fournies en exclusivité par les usines, des chiffres qui laissent évidemment pantois le plaisancier moyen d’alors.

Six heures de Paris, 1979, INA

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