Ton Cups, courir en temps réel
Personne en France ne connaissait les noms des architectes Ron Holland et Bruce Farr avant que leurs bateaux respectifs ne gagnent la Quarter Ton Cup, le premier avec Eygthene en 1973, le second avec le novateur 45° South en 1975 à Deauville. Même chose pour l’Américain Doug Peterson qui s’est fait connaître en Europe grâce aux éclatantes victoires de North Star dans la Half Ton Cup 1974 et de Gumboots dans la One Ton Cup de la même année. C’est aussi grâce à leurs belles prestations dans différentes Ton Cups que d’autres concepteurs vont émerger au fil de ces années soixante-dix et au début de la décennie suivante, à l’image de Jean-Marie Finot, Michel Joubert, Jean Berret, Jacques Fauroux, Tony Castro, Daniel Andrieu, ou encore Philippe Briand.
Révélateurs de talents, les Ton Cups ont aussi pendant toutes ces années passionné une bonne part des plaisanciers et même influé sur la production des constructeurs. Ainsi le Téquila des chantiers Aubin et sa version sport chez Gibert Marine s’inspirent du prototype du même nom, dessiné par Philippe Harlé, vainqueur de la Quarter Ton Cup 1971. Et, toujours en Quarter, les succès de l’Écume de Mer standard en 1970, puis de sa version régate en 1972, ont joué sur l’image de la série. Roger Mallard s’appuiera d’ailleurs encore sur le prestige de cette compétition quand il lance en 1976 le Farr 727, version de série du fameux 45° South.
La Half Ton Cup est alors aussi une grande source d’inspiration pour les constructeurs qui proposent souvent dans leurs catalogues des modèles de neuf mètres affichant clairement une parenté avec cette catégorie : First 30, First 30 ES, First Evolution, Rush, Jouët 920, Mallard 9 m, Contention 30, Comet 910, Kalik 30… Et le fait que ces bateaux puissent également servir pour la course de l’Aurore (future Solitaire du Figaro) compte beaucoup dans la popularité des half-tonners en France.
Des Ton Cups pour toutes les tailles
Les Ton Cups modernes sont nées à l’initiative de Jean Peytel, membre éminent du Cercle de la Voile de Paris, qui a en 1965 l’idée de remettre en jeu le trophée d’une compétition ancienne tombée en désuétude, la coupe des “un-tonneau”. Ainsi naît au Havre la première One Ton Cup, courue sur plusieurs manches en alternant petits et grands parcours, et réservée aux voiliers ayant un certificat de jauge RORC de 22 pieds. Ces bateaux, d’une longueur voisine de onze mètres, vont s’affronter sur un mode alors peu usité en course hauturière : le temps réel (par opposition au temps compensé où le temps de course est corrigé du handicap de chaque concurrent). Les voiliers ayant tous ici le même potentiel théorique de vitesse, le classement correspond à l’ordre d’arrivée sans qu’il soit besoin de longs calculs. Le succès de cette première (gagnée par le plan Stephens danois Diana III) va logiquement mener à l’adaptation de cette formule à d’autres tailles de bateaux.
En 1966, la Société des Régates Rochelaises lance la Coupe Internationale Atlantique – qui sera vite rebaptisée Half Ton Cup – pour les voiliers de 18 pieds de rating RORC. Les trois premières éditions ont lieu à La Rochelle et reviennent successivement à un Armagnac, un Arpège et un Super Challenger. La Quarter Ton Cup – pour les 15 pieds RORC, soit une longueur entre 7 m et 8 m – voit le jour l’année suivante, également à La Rochelle, remportée par un voilier de série hollandais de type Spirit. Le passage de la jauge RORC à l’IOR ne change rien à l’engouement pour ces compétitions en temps réel dont le niveau ne cesse de monter avec une internationalisation croissante. La Three-Quarter Ton Cup fait son apparition en 1974, en même temps que la Two Ton Cup, destinées respectivement à des voiliers d’une dizaine et d’une douzaine de mètres. La Mini Ton Cup vient compléter cet éventail de championnats, réservée comme son nom l’indique aux plus petites unités (autour de 6,50 m de long). Après deux décennies fastes, l’audience des ton cups diminuera peu à peu à la fin des années quatre-vingt, victimes en partie de la professionnalisation et du coût croissant des prototypes nécessaires pour briller.