Transat 1964, Eric Tabarly, vainqueur en solitaire

Daniel gilles
Culture
En juin 1964, le Royal Western Yacht club remet en jeu la coupe de l’Observer destinée au gagnant de l’Observer Singlehanded Transatlantic Race (OSTAR). Au départ de Plymouth, les coureurs parcourent 2 800 milles jusqu’à Newport dans le Rhode Island. Parmi eux se cache un Français qui va rapidement se démarquer.

La naissance d’un prodige

A l’âge de 32 ans, le jeune navigateur conçoit un monocoque spécifiquement pour l’épreuve : une première pour l’époque. Le français bouleverse l’architecture navale et invente une machine à gagner pour un programme précis : naviguer en solitaire contre le vent.

Au fur et à mesure des sorties d’entraînement à bord d’un Tarann (9,50 m), le marin breton se rend compte qu’il peut naviguer sur un bateau plus grand et donc plus rapide. Pen Duick II mesurera quatre mètres de plus (13,50 m). Il est peu voilé pour sa taille et léger pour être manœuvré seul (75 m2 pour 8 tonnes). Sa stabilité de route est renforcée par une petite voile d’artimon de 10 m2 placé à l’extrême arrière. Il sera doté d’une bulle en plexiglas emprunté aux avions (Tabarly a été pilote militaire) et placé au-dessus de la table à cartes pour permettre au skipper d’observer ses voiles sans sortir sur le pont.

Le 23 mai, il prend le départ et envoie son spi (une voile libre de 82 m2) sous les yeux ébahis des spectateurs et de ses adversaires impuissants à lui donner la réplique !

En route vers la victoire

Au cours de sa traversée, Pen Duick ne subit pas de grosses avaries mais quelques pannes difficiles à gérer par un solitaire. La rupture du pilote automatique, en particulier, aurait pu sonner le glas de sa course. Mais le sens marin hors pair du marin breton lui permet de continuer à faire route tant bien que mal, au prix d’un sommeil perturbé. Il reste 2 000 milles à couvrir pendant lesquels le skipper dort par tranche d’une heure et demi demie. Il pense alors qu’avec cette avarie, la victoire est impossible.

Au 27ème jour de navigation il est en vue de l’arrivée. Une embarcation à moteur vient au-devant de lui. Un homme à l’étrave crie avec un accent nasillard : ” You are the first”.

Quelques heures plus tard Tabarly est déclaré vainqueur de la seconde édition de la Transat en solitaire après 27 jours et 23 heures de compétition. Il devance Francis Chichester et son Gipsy Moth III de 2 jours et 20 heures.

Eric Tabarly vainqueur de la traversée de l'Atlantique, 1964, INA

Un tournant pour la plaisance

En janvier 1965, au cours de l’inauguration du salon Nautique de Paris, Eric Tabarly est chaleureusement félicité par le général de Gaulle.

Avec le recul du temps, la victoire du désormais célèbre numéro 14 revêt une importance singulière. L’époque portait en germe un profond intérêt Français pour les sports de mer et l’approche de la navigation dite de plaisance. La victoire historique de Tabarly contribue à la faire éclore.

En 1965, la production nautique fait un bond considérable avec une croissance de 78% au cours de l’année qui suit la victoire de Tabarly à Newport !

Pourquoi le Pen Duick ?

Le nom du ketch noir victorieux à Newport est emprunté au premier Pen Duick, le bateau que Tabarly hérita de son père en 1952. Eric Tabarly n’aimait pas que l’on dise : Pen Duick I. Et il reprenait toujours son interlocuteur en lui précisant gentiment qu’il s’agissait simplement de Pen Duick, la “mésange à tête noire”.

Ce nom résonne chez tous les navigateurs, devient légendaire, et enchante le milieu de la course au large. Il évoque encore aujourd’hui la célèbre dynastie des bateaux de Tabarly allant jusqu’au Pen Duick VI, vainqueur de la Transat 1976. Chacun d’eux, en leur temps, ont représenté une avancée technologique importante dans le domaine de la compétition à voile de haute mer.

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