La Transquadra

Didier Ravon
Culture
Sunfast 32, 1994
Les transats en solitaire ou en double n’étaient plus la chasse gardée des régatiers professionnels. Créée en 1993, la Transquadra allait permettre à des marins amateurs de traverser l’atlantique, seul à plus de 40 ans, et ce tous les trois ans.

Michel Bolo avait disputé deux fois la Course de l’Aurore et trois fois la Solitaire du Figaro. Dans les années 80, coureur en solitaire professionnel n’étant pas encore un métier… comme nombre d’amateurs éclairés, il avait une profession à terre mais naviguait autant qu’il pouvait lors de ses loisirs ! En 1980, Jean Chapel avait créé les Vieux Safrans, une régate côtière en solitaire et par étapes réservée aux plus de 40 ans. L’épreuve estivale sur des voiliers de course croisière de série, le plus souvent de famille, fût un succès. Quelques années plus tard en 1993, tout jeune quadragénaire, celui que tout le monde surnommait «Mico», devint directeur de course des Vieux Safrans, en changea l’appellation pour la Course des Îles, mais rêvait aussi de traverser l’atlantique en course, seul sur son Sélection 37. Il aurait pu disputer la Transat des Alizés, mais la course en équipage ne l’intéressait pas. A part la Route du Rhum ou la Transat Anglaise (Ostar), il n’y avait pas vraiment d’épreuves en solitaire, et celles-ci étaient plutôt réservées aux multicoques et aux navigateurs professionnels. Alors, il imagina une transat réservée aux amateurs de plus de 40 ans, sur des bateaux de série entre 8,50 et 12 mètres, qu’il baptisa Transquadra Solo. Il ne voulait ni des pros, ni de jeunes marins «voulant se faire les dents !» et s’en justifia, déclarant : «Si à 40 ans, tu n’es pas un pro de la course au large, tu ne le seras jamais…» Comme nombre de participants, essentiellement des cadres, des chefs d’entreprise, des professions libérales… mais aussi des directeurs de chantier naval, des maîtres voiliers, des concessionnaires, et autres acteurs du nautisme… Mico Bolo qui consultant son agenda, ne pouvait comme eux se permettre de prendre plusieurs semaines de congé à l’automne en pleine rentrée.

First 40.7 ©Gérard Beauvais
First 35.7 ©Gilles Martin Raget

Une étape en été et la seconde en hiver

Alors il lança une transat depuis la France vers la Martinique en deux étapes, avec une escale de six mois à Madère, où chaque bateau serait stocké à terre sur ber. La première étape se déroulait en juillet, et la seconde en décembre puis janvier. La formule séduisit immédiatement. A chaque édition, il y avait de plus en plus de concurrents, et l’équipe de bénévoles était systématiquement vêtue d’une chemise rouge, et ce afin qu’elle soit identifiable par les marins. La course partait à la fois de Bretagne et de Méditerranée, et on pouvait aussi préférer la disputer en double. Quant à la 28ème édition de la Course des Îles, disputée en juin 2023, elle a accueilli une nouvelle catégorie « croiseurs », et ce afin que des plaisanciers puissent se mêler à la fête sans pour autant avoir le voilier IRC dernier cri. La flotte était notamment constituée de First 31.7, Sun Fast 32, J 97, First 35, Super Arlequin, Élan 350, Sun Legend, First 40.7, Sun Fast 35… Ce sera la même chose pour la prochaine édition de la Transquadra avec deux catégories : « croiseurs » et « performance ». A 70 ans, Mico Bolo, directeur de course de la Transquadra, peut se targuer d’avoir être passé en trente ans de 17 à plus de 100 concurrents, la moyenne d’âge des marins étant aujourd’hui de plus de 52 ans.

Sun Legend ©Philippe Plisson
« Si à 40 ans, tu n’es pas un pro de la course au large, tu ne le seras jamais… »
Mico Bolo
Transquadra, 1993, INA

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