Trophée Jules Verne

Didier Ravon
Culture
Trophée Jules Verne, 1997 ©Gilles Martin-Raget
Olivier de Kersauson n’a pas été qu’une “grande gueule” ! La conquête du record fût une véritable obsession. L’année 1997 allait elle enfin être la bonne pour atteindre son “graal”.

Son trimaran de 27,30 mètres, dessiné par VPLP Design et construit il y a déjà onze ans chez CDK à Port La Forêt qu’il avait affectueusement surnommé «La vallée des fous» avait déjà eu plusieurs vies et autant de noms : Poulain, Un autre Regard, Charal, Lyonnaise des Eaux, Dumez… Sur Sport Elec, «ODK» attaquait sa sixième tentative afin de battre ce record alors détenu depuis trois ans en 74 jours et 22 heures par le Britannique Robin Knox Johnston, vainqueur du premier Golden Globe 1969 en 313 jour et le Néozélandais Peter Blake sur le catamaran géant Enza New Zealand.

Avec ses six gaillards – Yves Pouillaude, Hervé Jan, Michel Bothuon, Didier Gainette, Marc Le Fur et Thomas Coville. Trahi par une météo défavorable dans l’Atlantique Sud, il décidât en janvier de faire demi-tour au large de l’Afrique du Sud, le grand trimaran blanc ayant déjà quatre jours de retard sur Enza.

Seconde tentative

De retour à Brest, après un fastidieux stand-by et un check up du trimaran, malgré une « fenêtre » météo moyenne mais que lui conseillait l’Américain Bob Rice, routeur réputé, Olivier de Kersauson décida d’y retourner, et coupa la ligne virtuelle au large de Ouessant le 8 mars. Il ne fallait pas traîner, car avec la fin de l’été austral, les dépressions devenaient de plus en plus coriaces. Lors de l’entrée de Sport Elec dans l’océan Indien, Olivier de Kersauson était de mauvaise humeur, accusant déjà un retard de 1000 milles sur Knox Johnston et Blake.

Dépité, il concédât : «J’ai toujours détesté l’Indien !» De plus, alors que Sport Elec était à la longitude du cap Leeuwin au Sud de l’Australie, une voie d’eau noya le moteur. Plus d’énergie, plus de communication et donc plus de routage ! Yves Pouillaude, le second du bord fit repartir l’indispensable fournisseur d’énergie après trois jours à fond de cale. Poussés par des dépressions et des vents puissants, Olivier de Kersauson et ses hommes grignotèrent leur retard, plongeant très Sud, là où les icebergs se disloquant, généraient des growlers. «Jusqu’ici on a joué petit. Là, ça va être une autre histoire. On ne fait plus la course autour du monde, on va au vrai danger…» expliquât alors le skipper à ses fidèles équipiers, et qui savait bien qu’une collision avec un bloc de glace, serait rédhibitoire. Mais dotés d’une bonne étoile, l’équipage traversât le Pacifique sans histoires, et doublât le Cap Horn avec 33 heures d’avance sur le record !

Beau joueur, Peter Blake adressa un télex de félicitation à Olivier de Kersauson, tout comme Eric Tabarly, son ancien «mentor». Il restait néanmoins toute la remontée de l’Atlantique, et l’ordinateur de bord rendit alors l’âme. Yves Pouillaude fit à nouveau des merveilles.

Le 19 mai, Sport Elec battit le record du tour du monde en 71 jours et 14 heures après plus de 24 000 milles menés tambour battant à 14, 55 nœuds de moyenne. Au ponton à Brest, l’équipage fût accueilli par Peter Blake lui-même. «Kersau» à la fois ému et heureux, détenait enfin ce «Jules Verne». Le lendemain, le journal L’Equipe titrât en une « Le monde est à eux ». Cinq ans plus tard, Bruno Peyron sur Orange, abaissait le chrono à 64 jours, mais l’année suivante, sur son nouveau trimaran de 33 mètres baptisé Géronimo, Kersauson reprit son bien… en 63 jours ! Le record n’allait cesser d’être battu au fil des tentatives, à nouveau par Bruno Peyron puis par Franck Cammas, Loïck Peyron cadet de Bruno, et enfin Francis Joyon, qui plaça la barre très haute – 40 jours ! En 2017, vingt ans après la performance de Kersauson.

Olivier de KERSAUSON, Trophée Jules VERNES, 1997, INA
«Jusqu’ici on a joué petit. Là, ça va être une autre histoire. On ne fait plus la course autour du monde, on va au vrai danger…»
Olivier de Kersauson

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