Records à la voile : La quête de la perfection

Un record en particulier permet de mesurer le niveau atteint : celui de la distance parcourue en 24 heures. Cette valeur a connu un bond impressionnant dans la dernière décennie, passant de 625 milles en 2000 – par Bruno Peyron et l’équipage de Club Med, catamaran de 33,50 m – à 908 milles en août 2009 lors de la traversée record de l’Atlantique de Banque Populaire V, trimaran de 40 m mené par l’équipe de Pascal Bidégorry. Soit une vitesse moyenne qui passe en moins de dix ans de 26 noeuds à près de 38 noeuds ! La progression est spectaculaire, ce qui peut expliquer qu’aucun équipage n’ait réussi à améliorer ce score tout au long de la décennie 2010/2020.
Cette apparente stagnation ne doit cependant pas tromper. Si le record de Banque Populaire V tient toujours (en 2025, il est encore invaincu), le niveau général n’en a pas moins monté. On a en effet recensé depuis le début des années 2010 un nombre important de bateaux dépassant les 800 milles par jour, voire approchant les 900 milles, alors qu’il y a seulement quelques années la barre des 700 milles restait un objectif hypothétique. Bref, les records sont de plus en plus difficiles à battre… mais de plus en plus d’équipages sont capables de les approcher, qui plus est dans une palette plus large de conditions météorologiques. Et les solitaires ne sont pas à la traîne : François Gabart a signé en 2017 une journée à 850 milles à bord de Macif, un trimaran de la classe Ultim. Cette catégorie, qui a pris forme en 2015 et limite la longueur des bateaux à 32 m est devenue le standard pour la quête des records tandis que les catamarans ont pratiquement disparu de la scène océanique.
Du côté des monocoques IMOCA en solitaire, la progression se poursuit : le record est passé de 468 milles au début des années 2000 (Alex Thomson sur AT Racing) à 536 milles en 2017 (Alex Thomson encore, sur Hugo Boss). Et il atteindra même les 614 milles en 2024 (Sébastien Simon sur Groupe Dubreuil)…

Trois fois plus vite sur l'atlantique
Ces performances sur 24 heures ne font généralement pas l’objet de défis spécifiques, elles sont le plus souvent établies à l’occasion de courses ou de tentatives de records sur de longs parcours. Les deux principales références en la matière sont la traversée de l’Atlantique nord – dans le sens États-Unis – Europe – et le tour du monde par les trois caps.
Depuis sa première amélioration par Éric Tabarly en 1980 (10 jours et 5 h), le record de l’Atlantique a considérablement progressé jusqu’à descendre à 3 jours 15 h et 28 mn en 2009 avec Banque Populaire V. Sur cette traversée de 2880 milles entre le phare d’Ambrose et le cap Lizard, cela correspond à une vitesse moyenne proche de 33 noeuds. Il n’a jamais été battu depuis.
Le tour du monde continue lui à susciter de nombreux défis. En équipage d’abord, avec le trophée Jules Verne qui fédère la plupart des projets depuis le début des années 1990. Le premier record a été établi en 1993 par Bruno Peyron et son équipage sur le catamaran Commodore Explorer (en 79 jours et 6 heures). Il a été amélioré au fil des décennies et le temps de référence est maintenant de 40 jours 23 h et 28 mn, réalisé en 2017 par le trimaran de 31,50 m Idec, avec son équipage de six personnes mené par Francis Joyon. Ce qui représente une moyenne légèrement supérieure à 22 noeuds sur la route directe (estimée à un peu moins de 22 000 milles, de Ouessant à Ouessant).
Le record en solitaire sur le même parcours est à peine moins rapide. Après avoir été porté à 49 jours par Thomas Coville en 2016, il a été pulvérisé l’année suivante par François Gabart : 42 jours 16 h et 40 mn à bord de Macif, un trimaran de 30 m.
En monocoque, avec ses 60 pieds IMOCA toujours plus performants, le Vendée Globe donne régulièrement l’occasion de franchir des paliers supplémentaires. De 84 jours à la fin des années 2000 (par Michel Desjoyeaux), le record sur ce trajet (identique à celui du Jules Verne à ceci près que l’on part des Sables d’Olonne) est passé à 78 jours en 2013 avec la victoire de François Gabart, avant qu’Armel Le Cléac’h ne gagne encore quelques jours en 2017 à bord de Banque Populaire VIII : 74 jours 03 h et 35 mn. Et ce temps sera encore pulvérisé – dix jours de moins ! – dans la décennie suivante… À eux seuls, les temps de ces monocoques modernes illustrent bien les progrès réalisés en moins de trois décennies par l’ensemble de la filière course au large française : ces monocoques de 18,28 m de long, menés en solitaire, sont en effet capables de boucler un tour du monde plus vite que ne le faisaient des multicoques de près de 30 m servis par un équipage complet dans les années 1990…

Vitesse pure : du kite au bateau laboratoire
Le record “absolu” de vitesse à la voile – mesuré sur une base de 500 m de long – a longtemps été le terrain de jeu favori des windsurfeurs puis des amateurs de kitesurf. Ce n’est plus le cas depuis le début des années 2010 : les champions de kite – Sebastien Cattalan, Alexandre Caizergues, Rob Douglas – qui avaient alors porté ce record à plus de 54 noeuds ont été débordés par une machine futuriste, Vestas Sailrocket 2. Imaginé par l’architecte anglais Malcolm Barnsley pour le navigateur australien Paul Larsen, cette déclinaison ultra moderne du prao, montée sur foils et munie d’une aile rigide d’une surface totale de 22 m2 a signé un run à 65,45 noeuds de moyenne sur le plan d’eau de Walvis Bay, à Lüderitz, en Namibie. Le lieu est devenu depuis les années 2000 la base de référence pour les chasseurs de records du monde entier. Il présente en effet les conditions idéales pour une vitesse maximum : glisse parfaite sur une eau lisse – car il s’agit d’une lagune protégée par des bancs de sable – et vent fort et régulier. En planche à voile, le record est toujours détenu par le français Antoine Albeau avec un peu plus de 53 noeuds, une performance également réalisée en Namibie.

