Le motonautisme a cent ans !

En flânant sur les pontons de n’importe quel port de plaisance français dans les premières années du nouveau siècle, il est facile de constater la présence de bateaux à moteur de plus en plus imposants. La taille des plus visibles est d’évidence en constante augmentation, même si la grande majorité des immatriculations demeure toujours attribuée, depuis des années et de manière moins spectaculaire, à des unités de moins de six mètres. Cette tendance n’est pas vraiment nouvelle, mais ne peut manquer d’interroger sur le devenir des infrastructures et la capacité des chantiers d’entretien ou de réparation. Le curseur d’un récent passé qui faisait d’une coque de neuf mètres (30 pieds) une “belle” unité, semble se déplacer rapidement vers les douze (40 pieds), voire quinze mètres (50 pieds), ce qui n’est pas sans conséquences sur les prix d’achat, les coût d’usage et la maintenance.
Définie, dans ses grandes lignes, dans le courant des années 1960, la plaisance motonautique reste caractérisée, quarante ans plus tard, par une répartition entre quelques types d’embarcation. Les longueurs, les puissances, les équipements et les niveaux de confort ont évolué considérablement, alors que les usages et la fréquence d’utilisation n’ont pas énormément changé, surtout en Atlantique et Méditerranée. C’est ainsi que l’on retrouve dans les catalogues des constructeurs des années 2000, les catégories des décennies précédentes, du semi-rigide, à la vedette hauturière de 15 mètres (open, hardtop ou avec flybridge) en passant par les coques open (généralement de moins de 6 mètres à console centrale (bowrider ou walkaround), les day-cruiser à petite cabine, les timoniers (autrefois “pêche promenade”) et les trawlers. Cependant, si les mots restent les mêmes et de plus en plus anglicisés, les réalités qu’ils recouvrent reflètent une autre tendance de fond de ce début des années 2000 : la montée en gamme. Cette recherche de style, de confort, voire de luxe par les chantiers s’est développée en faisant appel à des designers en vue, en particulier français et italiens, capables de créer des concepts originaux et des lignes identifiables, autant de composantes d’une image de marque toujours plus sophistiquée.

Le design devient roi
Mettant à profit parallèlement une perte d’attractivité des productions américaines en Europe et, en particulier en France, les leaders français, italiens et allemands du secteur ont mis les bouchées doubles pour renouveler leur offre sur la plupart des segments les plus porteurs.
Dans celui des coques open, le Flyer de Bénéteau, par exemple, entre dans sa quatrième génération avec 24 références, depuis le 5 mètres le plus accessible à un cabin-cruiser de douze mètres, en passant par une déclinaison de toutes les variantes d’équipement (cabriolet de 6,5 mètres avec cockpit classique, walk-around de 7,70 m ou sundeck de 8,80 m).
Autre exemple de cette montée en gamme, la gamme Antares des années 2000, sous le crayon de Sarrazin Design, a clairement quitté la sphère du “pêche-promenade” de ses débuts pour entrer dans le monde plus distinctif du motor-cruiser tout en insistant sur des qualités marines, caractéristiques de son ADN. De même, sous le label Monte Carlo, le groupe français basé en Vendée, a lancé une nouvelle série d’unités performantes (de 27, 32, 37, 42, 47 pieds) en s’appuyant sur la créativité du studio italien de Pierangelo Andreani pour leur insuffler un esprit méditerranéen et luxueux. Le même créateur s’est aussi vu confier le design des modèles de la série des Gran Turismo, affirmant ainsi le choix du chantier de s’imposer sur ces segments très concurrentiels. Même le classique trawler a vu son concept nettement rajeuni en devenant plus rapide et confortable. Chez Jeanneau, les nouveaux Cap Camarat et Merry Fisher montrent aussi la voie ainsi que le concept NC signé Camillo Garroni de 9 à 14 mètres, qui s’imposent comme un leader dans cette course vers le haut de gamme.
Cette décennie 2000-2010 aura également connu l’émergence d’une tendance de niche “néo-rétro”, comme dans l’industrie automobile (Mini, Fiat 500…) avec la revisitation de styles traditionnels de bateaux de pêche côtière, italiens pour Apreamare ou de Nouvelle-Angleterre avec les élégants lobster-boats de Mochi Craft (tel le Dolphin 44). Ce qui se voit moins n’est pas négligé pour autant et les carènes progressent en performance et rendement grâce à la conception numérique. Les techniques de motorisation et de propulsion restent relativement inchangées, en majorité diesel avec ligne d’arbre- ou embase – pour les in-bord et hors-bord pour les autres. Dans le même temps, deux courbes antagonistes convergent avec, d’une part une pression environnementale croissante, et de l’autre, l’augmentation des dimensions des bateaux et des puissances, en in-bord, mais surtout en hors-bord. Des règlementations de plus en plus restrictives concernant les émissions des échappements sont votées en mai 2003 par le parlement et le conseil européens, entrant en vigueur en 2005 et 2006.


Au doigt et à l'oeil
En 1960, au Salon nautique de New York, Volvo Penta avait frappé un grand coup technique et commercial en lançant son embase Aquamatic. Cet ensemble compact était capable de remplacer le traditionnel couple arbre et hélice des unités in-bord par une transmission dotée de la flexibilité d’utilisation du moteur hors-bord (voir La révolution de l’embase – 1960).
Plus de quarante ans plus tard, en 2005 – au Salon de Londres cette fois-ci – la firme suédoise a récidivé, à une échelle certes moins universelle, avec son IPS (In-board Performance System) appelé communément “Pod”. Ce nouvel équipement a été expérimenté initialement sur de grands navires de marine marchande avant d’être adapté à la plaisance. Ce pod est une embase fixée sous la coque, orientable à 360 degrés, qui entraîne deux hélices contrarotative dirigées vers la proue en navigation et tractrices. Assez complexe et coûteux de mise en oeuvre, il est réservé aux bateaux à partir de 50 pieds. Pour les unités moins longues, Volvo a mis au point son système Zeus, basé sur le même principe mais doté, de manière plus traditionnelle, d’hélices contrarotatives propulsives. Dans les deux cas, les bateaux bimoteurs ainsi équipés bénéficient d’un grand avantage de manoeuvrabilité, de performance et de réduction de la consommation, des vibrations et du bruit. Comme en 1960, la réussite sera au rendez-vous dès la fin de la décennie avec bientôt une centaine de modèles équipés. Parmi ceux-ci, les unités les plus longues des gammes Monte Carlo, Gran Turismo et Swift Trawler de Bénéteau, premier chantier européen à se saisir de cette innovation, ainsi que celles de Jeanneau et de la marque Prestige dont le succès se confirme d’année en année.


Mon coeur balance
Les systèmes IPS et Zeus, s’accompagnent d’une autre révolution, celle du joystick, également en 2005. Sa manette unique change fondamentalement la manœuvre d’un bateau en envoyant des signaux d’une grande précision aux commandes de direction, de transmission, de régime, etc. Ce principe d’une grande efficacité sera vite repris par d’autres motoristes comme Mercury et Yamaha. Un tel système basé sur l’électronique et le développement du réseau de communication de bord confirme, une fois de plus, la montée irrésistible de la transmission de données dans toutes les fonctionnalités d’un bateau.
A cet égard, la norme NMEA (National Marine Electronics Association), mise en œuvre à partir de 2004, permet d’intégrer et de simplifie les liaisons entre capteurs et afficheurs.
Avec la croissance constante du nombre d’équipements, cette norme américaine vient changer la donne en matière de connexion. En effet, un câble unique peut être doté d’autant de prises de raccordement rapide souhaitées pour faire circuler toutes les informations en provenance des différents capteurs vers des afficheurs numériques, que ce soit la vitesse, les niveaux des réservoirs ou les données des moteurs.
Dernier “luxe” proposé progressivement au plaisancier à moteur, l’installation d’un stabilisateur gyroscopique sur des unités à partir de seulement 7 mètres compte parmi les nouveautés les plus discrètes et inattendues de cette décennie de progrès techniques.

